mardi 27 novembre 2012

ce monsieur [ou: les deux magots]


"Les poètes sont ceux des mortels qui, chantant gravement le dieu du vin, ressentent la trace des dieux enfuis, restent sur cette trace, et tracent ainsi aux mortels, leurs frères,
le chemin du revirement."
M. H.
 
Ce monsieur passe par la réception et sort un instant, fumer son cigare. Le parfum enivrant reste quelques minutes encore avec moi.
De retour, il me file un billet tout neuf et dit, d'une voix fragile: "Si madame arrive, je suis en haut".
Mais il revient vite pour l'attendre en bas.
Pendant que je lui prépare un café, nous discutons, comme ça... et, après faire un peu la conversation, comme on dit, on finit par parler de théâtre.
De quand, adolescent, il a vu cette conférence d'Antonin Artaud au Théâtre du Vieux-Colombier. Cette conférence que personne ne sait décrire exactement. Artaud marchait, frappait, parlait dans le rythme... Plus qu'historique. Plus que légendaire. Mythique.
De Maria Casarès, de Heidegger, de Gérard Philippe, d'Ariane Mnouchkine, une fille courageuse...
Et de comment était sa vie d'étudiant, de spectateur, dans le Paris des années 50, au Quartier latin.
Je n'ai pas beaucoup de choses à dire à ce monsieur, devant qui j'ai la chair de poule et dont les histoires je voudrais écouter longtemps encore.
Mais, au bout d'une dizaine de minutes, un silence creux arrive et tout se remet en place. Chacun reprend son rôle: le client et le réceptionniste. Et nous nous quittons poliment.
Madame ne tarde pas à arriver et, après rester quelques minutes en bas, parlant tout bas, ils montent.
Je reste tout seul... quelques secondes. Ce monsieur revient, peut-être pour me raconter encore une histoire, je pense, pour me faire une confidence...
Mais non. Il revient pour reprendre la clef de la chambre, oubliée sur le canapé.
Il repart.
Je reste.
Je le vois encore une fois, au petit matin, quand il accompagne madame qui prend son taxi de retour.
Quand il remonte, seul, ce monsieur affiche un beau sourire sur le visage.

mardi 19 juin 2012

du bout des lèvres

J'ai la tête qui tourne.
C'est le vin.
Non. C'est la jalousie.



mercredi 7 septembre 2011

une liste [amère et non-exhaustive]

Le trois gros.
Le mec à chapeaux.
Les lécheurs de couteaux.
La vieille du facebook.
Le mec qui avale vite (et beaucoup).
Le fumeur invétéré.
Le faux tête-de-bite (en attendant le vrai).
Les connards de service.
Le beau gosse.
La fille à genoux.
Les gens du métro.
Le liseur de journaux.
Le mec à forte poitrine (avec son pote).
Le monsieur et son harem.
La boulangère typique.
And me :

jeudi 3 mars 2011

la gaîté lyrique



J'aurais pu dire tellement de choses.
Au moins, j'aurais pu dire certaines choses.
Des choses sincères.
Sans peur, sans jeu.
Avant que ça ne finisse.
Afin que ça ne finisse pas.



P.S.:
L'enfer et le paradis sont un seul et même lieu.
Ce qui change est le chemin parcouru pour y arriver.

vendredi 10 septembre 2010

les plaques fondantes

Meanwhile, night falls into regions...

A peine six heures du matin et il se trouve dehors, assis devant l'esplanade, attendant le lever du soleil et d'autres choses moins belles.
Avec lui, plus d'une centaine de personnes. Assises, débout, des jeunes, des vieux, des femmes avec leurs enfants,... tout un certain type de gens qui, sans être vraiment ensemble, était réuni pour attendre des promesses.
Atteindre des promesses.

Quelques minutes auparavant, quand il est arrivé, ils étaient une bonne dizaine à courir pour rejoindre les autres à l'esplanade.
Il ne faut pas rater cela. Pas une fois de plus.
En faisant la queue, il pouvait juste imaginer sans certitude où en était le commencement.
Dans sa tête, la voix de Janis Joplin faisait l'éloge de l'été, pendant que le ciel gagnait un peu plus de lumière, presque imperceptible.
Les gens faisaient des aller-retours tendus et habillés parfois de regards méfiants envers les autres.
De temps en temps, un bébé pleurnichait, avant de se rendormir dans les bras de sa mère, qui dormait, elle aussi.

Il est presque sept heures. Le jour se lève. Finalement.
La police arrive et fait un tour.
Ils sont maintenant plus de quatre cents dans l'esplanade et ce n'est pas fini. Une certaine agitation couve et parfois remonte à la surface.

Pendant tout ce temps-là... et tout au long de la journée... quoi qu'il arrive... les caméras de surveillance... surveillent.


mercredi 10 février 2010

les naufragés du fol espoir

Je vais maintenant vous parler de mes racines.
Parlez-nous plutôt de la poésie contemporaine!
Pour un vrai artiste, tout est contemporain.


Deux garçons plus ou moins défoncés, dans le métro, disaient, plus ou moins en rimes, plus ou moins ça:
Garde tes rêves,
même s'il ne se sont pas réalisés,
c'est pas graaaave...
Et cela m'a fait penser tout de suite aux enfants.
Aux enfants qui s'émerveillent par les choses autour d'elles.
Mais ils s'émerveillent d'une telle manière que quand ce genre d'enfant court derrière un pigeon dans un parc, on voit dans ses yeux qu'il est capable de s'envoler dans le même élan de l'oiseau, s'il part.
Particulièrement, je n'ai pas l'impression d'avoir été un enfant comme ça, qui s'envole, mais plutôt qui se tient sur terre... ou qui dérive.
La preuve: mon jeu préféré quand j'étais petit s'appelait "naufrage".
Cela consistait à mettre une couverture par terre, sur la moquette bleu marine du salon, pendant que mes parents regardaient la télé, le soir.
Avec moi, sur cette couverture en laine, j'apportais quelques vêtements. Surtout des chemises qui je ne portais jamais dans la vraie vie. Là, la seule dont je me souviens clairement est une chemise dorée, dans un tissu satiné, très doux, qui était sûrement la pièce principale de mon jeu.
Alors, seul avec mon petit tas d'habits, je me tenais en silence, assis sur la couverture, pendant une bonne heure.
Dans ma tête, j'étais le seul survivant d'un naufrage, et j'attendais patiemment d'être retrouvé par quelqu'un dans le vaste océan de la moquette bleu marine. Mais rien ne se produisait... pas de tempête, même pas une vague pour me déranger dans mon attente.
Pour m'occuper, tout ce qui me restait dans ce paysage, étaient les vêtements. Je changeais régulièrement de chemise, pendant que personne ne venait me sauver. La bleue, la violette, la dorée... chaque bouton était fermé avec soin mais, pour plus que je me préparais, personne venait me chercher.
Personne a pensé que j'aurais pu survivre à un naufrage.
Et pourtant... j'attends.

samedi 15 août 2009

le lys brisé [broken blossoms]

Parfois il neigeait dans ma ville natale.
Mais, pendant l'été, la chaleur donnait la sensation que l'on allait se fondre à l'asphalte de la rue.
Et disparaître...

Pour arriver du centre-ville jusqu'à chez moi il fallait marcher une demie-heure et monter plusieurs rues d'une butte, en haut de laquelle se trouvait la maison.
Peut-être que j'en voulais à ma mère pour insister, été après été, à me faire apprendre à jouer de la guitare quand moi, je voulais jouer du piano... ou peut-être que je lui en voulais seulement parce qu'elle ne savait pas conduire à l'époque et que je devais rentrer à pied, sous le soleil, en portant la guitare.
...
Il se peut qu'un jour d'été quelqu'un ait jeté un caillou sur quelqu'un d'autre. Ou ait crié "arrête-toi, sale pédé".
Il se peut que quelqu'un ait répondu "je ne suis pas un pédé... je suis une fille". Ou, sans penser, ait simplement profité d'un instant vide pour se servir pour la dernière fois de sa guitare.

Un dimanche soir quand, il y a une bonne quinzaine d'années, j'ai vu le premier épisode de Twin Peaks à la télé, j'y ai tout de suite reconnu ma ville natale.
Ma ville natale, où il neige, il fait chaud, et où les pires choses disparaissent sans laisser de traces... fondues à l'asphalte ou sous les flocons de neige blanche.




"Tu te souviens?
Mon corps se souvient."

lundi 20 juillet 2009

au lapin agile


Don't worry, I'll find you on facebook.
I'm not on facebook...
Oh... so, where are you!?
I'm here.

lundi 29 juin 2009

je suis un autre [l'auto-portrait inconnu]



Je ne veux pas être comme ma grand-mère.

Je ne veux pas être comme mon père.

Je ne veux pas être comme ma mère.

Je ne veux pas être comme mon frère.

Mais je ne sais pas comment je veux être.

Ni comment je suis.

dimanche 3 mai 2009

mãos mágicas

Ces derniers temps il y a des souvenirs d'enfance qui me viennent à l'esprit involontairement. Ils jaillissent par fragments, par images, par sensations,... par vagues.
Et puisqu'il faut toujours commencer par quelque chose - et puisque, de toute façon, tout ça a sûrement un rapport -, je me lance avec trois échantillons:
- pendant toute mon enfance, j'ai voulu fabriquer un bonhomme articulé en bois qui, une fois prêt, s'animerait tel Pinocchio. Le projet était compliqué et n'a jamais été réalisé.
- pendant mon enfance, je démontais tous mes jouets industriels avec la certitude de savoir remettre toutes les pièces en place même si, systématiquement, à chaque fois que je les démontais, de petits ressorts sautaient et se perdaient à jamais.
- pendant mon enfance, j'ai été hanté par le désir de construire un robot géant. Une espèce de gros ordinateur des années 80 fabriqué avec une grande boîte en carton (comme celle d'un frigo très grand). Je ne sais toujours pas à quoi il servirait, mais son principal atout serait celui de cligner des yeux. Je dirais même que celle-là était sa principale fonction, puisque c'était la seule partie du mécanisme que j'arrivais à imaginer. Je savais exactement comment réaliser cet engrenage, j'avais tout le matériel nécessaire, j'avais le désir de le voir ouvrir et fermer les yeux par un simple mouvement de levier mais, malgré tout, je ne l'ai jamais fait pour de vrai.
La taille et la forme de ce robot étaient sûrement inspirées du design des séries-télé que je regardais tous les jours en arrivant de l'école, dans la chambre de mes parents, avant ou après le déjeuner, avec la lumière forte du soleil sur la couverture très accueillante de leur lit : Spectreman et Ultraman. Aussi par une émission que je regardais sur la chaîne éducative: "les mains magiques". Aussi par mon père qui, lui, était très doué pour les travaux manuels. Aussi par un livre que ma mère m'avait donné avec des idées pour se faire des jouets à partir du recyclage de boîtes à oeufs et tout type d'emballage en carton.

Des bribes d'histoires de l'époque où commençait cette envie d'être créateur. Ou créatif.
Qui font peut-être du sens, mais peut-être pas.
A suivre...